Contrôler les gaz à effet de serre de manière indépendante
Des erreurs se produisent lors de l'estimation des émissions de gaz nocifs pour le climat comme le dioxyde de carbone et le méthane. Des chercheurs soutenus par le Fonds national suisse ont développé une méthode permettant de vérifier de manière indépendante les données fournies par les pays.
Avec le protocole de Kyoto et le nouvel accord climatique de Paris, 195 pays se sont engagés à limiter le réchauffement climatique. Les Etats vérifient eux-mêmes, à l'aide d'estimations et de projections, s'ils procèdent effectivement à la réduction des gaz à effet de serre nécessaire à cet effet. Les incertitudes sont grandes et des erreurs peuvent se glisser. Des chercheurs soutenus par le Fonds national suisse (FNS) ont développé une méthode permettant de contrôler ces données de manière indépendante, en mesurant directement les gaz dans l'atmosphère.
Peu de fuites dans les conduites de gaz naturel
Pour ce faire, les chercheurs de l'Empa à Dübendorf, de l'Université de Berne et de l'EPFZ ont combiné les données de mesure du méthane (CH4) avec un modèle de dispersion des polluants atmosphériques en Suisse. Résultat : les valeurs calculées pour 2013 ne s'écartaient que légèrement des chiffres de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et confirmaient ainsi les émissions annuelles estimées à environ 200'000 tonnes de méthane.
La part de l'élevage, qui se taille la part du lion avec 70 pour cent des émissions de méthane, s'est avérée légèrement inférieure aux estimations précédentes. En revanche, il a été confirmé que les conduites de gaz naturel dans les villes suisses ne fuient pratiquement pas. Jusqu'à présent, les hypothèses à ce sujet étaient très incertaines. Les émissions de méthane plus élevées que prévu dans le nord-est de la Suisse ont été surprenantes. "Nous prévoyons maintenant une campagne de mesure plus proche des zones concernées afin de vérifier si la différence est vraiment réelle", explique Dominik Brunner, physicien de l'atmosphère et responsable de l'étude à l'Empa.
Pour le modèle, Brunner et ses collègues ont intégré les données de deux stations de mesure nouvellement installées à cet effet sur la Lägeren près de Baden et sur l'ancienne tour de transmission radio de Beromünster (LU) ainsi que de deux autres sites sur le Plateau suisse. Quelques sites suffisent pour déterminer les émissions de méthane en Suisse. Grâce au modèle météorologique de l'Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse), les chemins tortueux des paquets d'air peuvent être retracés sur plusieurs jours jusqu'au-delà de l'Atlantique.
Compléter le réseau européen de mesure
"Nous avons affiné la résolution de la modélisation inverse, qui a déjà été appliquée à des zones plus vastes comme les États-Unis, et l'avons adaptée à l'échelle de la Suisse, dont la topographie est difficile", explique Stephan Henne, premier auteur de l'étude. L'OFEV publiera l'étude en annexe du dernier inventaire des gaz à effet de serre de la Suisse, probablement le 15 avril 2016. La Suisse se trouve ainsi, avec la Grande-Bretagne et l'Australie, parmi les trois premiers pays à publier un examen indépendant de ses chiffres.
Le projet appelé CarboCount-CH est considéré comme un projet pilote pour un réseau de mesure paneuropéen "Integrated Carbon Observation System" (ICOS), qui devrait à l'avenir recenser les émissions de gaz à effet de serre de tous les pays européens. "Avec notre réseau de mesure CarboCount-CH, nous allons ensuite étudier l'absorption de dioxyde de carbone (CO2) par la végétation", explique Henne.