La récession due à la crise ukrainienne n'est pas encore en vue pour les entreprises suisses

Face à la guerre en Ukraine et aux sanctions globales contre la Russie et la Biélorussie, les entreprises suisses se montrent sereines. Une majorité de CFO suisses ne voient pas encore de récession, mais continuent de tabler sur une évolution économique positive pour les douze prochains mois.

Comment les CFO suisses évaluent les risques pour leur entreprise - une récession n'en fait pas (encore) partie... (* "Défis internes" inclut une série de défis comme par exemple la mise en œuvre de la stratégie, la gestion de projet, le règlement de la succession ou autres). Graphique : © 2022 Deloitte SA

Près de la moitié (46%) des directeurs financiers d'entreprises suisses interrogés deux fois par an par le cabinet d'audit Deloitte restent convaincus que l'économie suisse continuera de croître au cours des douze prochains mois et qu'une récession n'est pas encore en vue. Cette proportion a certes presque diminué de moitié depuis la dernière enquête du même type menée auprès des CFO en septembre 2021, mais elle est tout de même deux fois plus élevée que la part de ceux qui s'attendent à un effondrement de la croissance (22%). Ainsi, plus de la moitié (57%) s'attendent à de meilleures perspectives pour l'entreprise au cours des douze prochains mois, et seuls 15% s'attendent à une évolution financière négative.

Les autres chiffres clés de l'entreprise interrogés dans le cadre de l'enquête Deloitte CFO sont également tous encore positifs. Une majorité (64%) des personnes interrogées continue de s'attendre à une croissance du chiffre d'affaires, alors qu'elles étaient encore bien plus nombreuses il y a six mois (79%). En ce qui concerne les investissements généraux et les dépenses telles que le marketing ou les voyages, les directeurs financiers sont toujours plus nombreux à s'attendre à une croissance qu'à une baisse. Ce n'est que pour les marges opérationnelles que la situation est moins positive. Les optimistes et les pessimistes s'équilibrent déjà presque. Le renchérissement devrait être une raison importante de cette situation.

La guerre, un frein à la reprise

"La Suisse est sortie de la crise de la coronavirus plus rapidement que de nombreux autres pays de l'OCDE. Les entreprises suisses ont déjà appris à gérer les problèmes de la chaîne d'approvisionnement pendant la pandémie. Et la hausse des taux d'inflation aux États-Unis et dans l'UE n'est plus une surprise pour elles", explique Reto Savoia, CEO de Deloitte. "Je pars donc actuellement du principe que la guerre en Ukraine va certes ralentir la reprise post-Corona, mais que l'économie suisse restera sur le chemin de la croissance cette année".

La levée la plus large possible des mesures Corona il y a un bon mois a donné un coup de pouce supplémentaire à l'économie suisse. Celle-ci s'est toutefois presque entièrement évaporée depuis l'invasion des troupes russes en Ukraine. Outre la guerre, les directeurs financiers des entreprises en Suisse considèrent l'inflation comme le plus grand risque (voir graphique). Cela vaut notamment pour la hausse des prix des intrants, que les entreprises doivent payer elles-mêmes pour l'énergie, les matières premières, les produits intermédiaires ou les services. Près de la moitié des personnes interrogées (42%) s'attendent à une hausse des prix des intrants de cinq pour cent ou plus. Parmi ceux qui prévoient une augmentation des prix des intrants, un bon tiers (36%) s'attend à pouvoir répercuter la majeure partie de la hausse des prix sur leur clientèle. Malgré cela, les CFO ne s'attendent pas à une hausse marquée des prix à la consommation dans leur propre pays et tablent sur une inflation des prix à la consommation de 2,0 pour cent sur deux ans.

Les entreprises s'inquiètent moins de la récession que de l'inflation et des problèmes de la chaîne d'approvisionnement

"L'inflation est de retour, en Suisse aussi. Les entreprises suisses font toutefois preuve de résistance. Elles doivent certes accepter des pertes au niveau des marges, mais de nombreuses entreprises sont très bien positionnées pour résister à la hausse des prix. Le franc fort ne pèse plus sur l'économie d'exportation comme il y a quelques années", explique Alessandro Miolo, Managing Partner pour Audit & Assurance chez Deloitte Suisse. Les chaînes d'approvisionnement ont certes été dépassées, en termes d'évaluation des risques par les CFO, par les événements de guerre actuels en Ukraine ainsi que par l'inflation qui s'avère persistante dans les grandes zones économiques occidentales, mais elles représentent toujours un défi majeur pour de nombreuses entreprises suisses. La plupart des entreprises s'estiment au moins légèrement affectées (77%), 16 % font même état de graves perturbations. Parmi les entreprises concernées, 68 % doivent payer sensiblement plus pour les matières premières et les produits intermédiaires. Environ la moitié (52%) fait état de coûts de transport plus élevés - une conséquence de la hausse des prix de l'énergie et de multiples problèmes de logistique. Presque autant (40%) de directeurs financiers se plaignent que les produits intermédiaires ne sont pas livrés à temps et un sur quatre (24%) qu'ils ne sont plus disponibles.

Le déroulement de la guerre, une grande inconnue

Les annulations de commandes par la clientèle ne sont en revanche guère un problème et les CFO sont moins nombreux qu'en automne à parler d'une faiblesse de la demande comme d'un risque. "Jusqu'à présent, la guerre en Ukraine ne semble pas avoir eu d'influence négative sur l'envie de consommer en Suisse. Mais si celle-ci devait se prolonger, voire s'intensifier ou s'étendre, les gens redeviendraient plus prudents et renonceraient à leurs vacances et à leurs achats. Une inflation persistante pèserait en outre sur le budget des ménages", fait remarquer Reto Savoia. "À cela s'ajoute le fait que les signes conjoncturels chez notre principal partenaire commercial, l'Allemagne, semblent moins positifs. Les semaines et les mois à venir montreront donc si la reprise économique se poursuit vraiment en Suisse ou si nous ne glissons pas à nouveau dans une récession".

Source : Deloitte

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