Aménagement flexible du lieu de travail : les supérieurs ne donnent pas encore assez l'exemple
Près d'un quart des personnes travaillant dans un bureau en Suisse doivent d'abord chercher un emploi le matin. Et deux tiers d'entre eux travaillent déjà à l'extérieur, du moins occasionnellement. La flexibilité croissante dans les bureaux suisses est une réaction à l'évolution des environnements de travail, qui deviennent de plus en plus intensifs en connaissances, créatifs et interconnectés. Mais l'environnement de travail, les outils technologiques et surtout la culture d'entreprise ne sont pas encore suffisamment harmonisés.
Le cabinet de conseil Deloitte a interrogé 1000 employés de bureau en Suisse sur la manière dont les changements actuels du monde du travail, dont on parle beaucoup, se reflètent aujourd'hui concrètement dans leur quotidien. Les personnes interrogées passent au moins la moitié de leur temps de travail devant un ordinateur. Deux tiers d'entre eux ne sont plus liés de manière fixe aux bureaux de leur employeur. 40 % travaillent au moins un jour par semaine à domicile ou dans un autre lieu, comme un espace de coworking.
La majorité a encore un emploi fixe
Bien que les concepts de travail agile et flexible tels que le home-office ou le partage flexible des postes de travail au bureau (appelé hotdesking) soient de plus en plus courants dans les entreprises en Suisse, la grande majorité (77%) des employés suisses sont toujours affectés à un poste de travail fixe. En revanche, l'organisation du temps est nettement plus flexible : 72% peuvent organiser librement leur temps de présence au bureau et seuls 9% indiquent devoir s'en tenir à des horaires de travail rigides. Seul un tiers des employés de bureau travaille encore chaque jour de manière fixe dans le bureau de l'employeur. La majorité peut donc travailler régulièrement sans contrainte de lieu. Il existe cependant de grandes différences : 28 pour cent le font moins d'un jour par semaine, 12 pour cent exactement un jour par semaine et plus d'un quart (27%) ne travaille pas plus d'un jour par semaine au bureau de l'employeur.
L'adaptation de l'aménagement du poste de travail souvent ignorée
Si les collaborateurs travaillent plus souvent à l'extérieur et que le hotdesking est introduit au bureau, le nombre de postes de travail fixes peut être réduit. Cela permet de créer des zones spéciales pour travailler de manière concentrée, pour échanger ou pour se reposer. Des mesures soigneusement planifiées et mises en œuvre favorisent la collaboration intersectorielle et la satisfaction des collaborateurs. "De nombreuses entreprises suisses ignorent les adaptations nécessaires de l'aménagement des postes et des modèles de travail et perdent ainsi de l'argent et des collaborateurs", affirme avec conviction Matthias Thalmann, partenaire pour le domaine du capital humain chez Deloitte Suisse. "Si elles veulent continuer à avoir des collaborateurs productifs, créatifs et motivés à l'avenir, elles doivent mettre à disposition un environnement de travail innovant et inspirant, indépendamment du lieu et de la place de travail. Pour concilier les exigences élevées des jeunes collaborateurs en matière de flexibilité et le désir de sécurité et d'orientation du personnel plus âgé, il faut des concepts intelligents et fondés sur une stratégie".
Un net retard à combler en matière de technologie
En ce qui concerne le matériel informatique mis à disposition par les entreprises, le potentiel d'amélioration est important. A peine la moitié (47%) a reçu de son employeur un ordinateur portable permettant le travail mobile. 11 pour cent n'ont qu'un smartphone ou une tablette. Au total, 42% des employés interrogés ne reçoivent aucun appareil numérique de leur employeur leur permettant de travailler de manière mobile et d'accéder aux données de l'entreprise. A peine plus de la moitié (53%) utilise le chat ou la messagerie instantanée, 39% utilisent une gestion moderne des documents et 36% peuvent organiser des vidéoconférences. Mais près d'un tiers des entreprises n'utilisent aucune solution de collaboration moderne.
Une nouvelle culture d'entreprise et moins de réglementation
Un concept de poste de travail agile et moderne ne peut fonctionner correctement et avoir un impact positif sur la performance et la satisfaction des collaborateurs que s'il est également communiqué de manière compréhensible et soutenu stratégiquement. De nombreuses entreprises suisses ne semblent pas encore avoir abordé ce thème, comme le montre déjà une autre enquête de Deloitte auprès des responsables RH. L'étude actuelle le confirme : Seuls 39% indiquent qu'il existe des directives pour le travail flexible dans leur entreprise. On constate toutefois de nettes différences selon la taille de l'entreprise : la proportion est de 55 pour cent dans les entreprises de plus de 250 collaborateurs, contre 24 pour cent seulement dans celles de moins de 50 collaborateurs.
Plus impressionnant encore : alors que les horaires de travail flexibles sont soutenus par plus de la moitié (56%) des supérieurs hiérarchiques, seul un tiers des supérieurs hiérarchiques des personnes interrogées sont favorables à des lieux de travail flexibles, comme par exemple le bureau à domicile ou les espaces de coworking. Dans le contexte d'une culture d'entreprise ouverte et moderne, il est important que les supérieurs hiérarchiques ne se contentent pas de soutenir le travail flexible, mais qu'ils en donnent aussi l'exemple et montrent la voie. Or, 38% des personnes interrogées indiquent que leurs supérieurs ne donnent pas l'exemple en matière de travail flexible.
La législation est en retard sur la réalité
"La conception de l'espace, le concept du lieu de travail et la technologie peuvent être aussi perfectionnés que possible - en fin de compte, leur effet ne peut se déployer pleinement que si la culture d'entreprise est activement adaptée et si les attitudes des collaborateurs et des cadres changent en conséquence", explique Luc Zobrist, économiste chez Deloitte Suisse et co-auteur de l'étude. "Les entreprises qui ne mettent en avant que la réduction des coûts et ignorent la satisfaction des collaborateurs ne réussiront pas à transformer durablement le lieu de travail".
Il ne faut pas non plus oublier le cadre légal en Suisse. Outre des postes et des formes de travail flexibles, une technologie moderne et une culture d'entreprise basée sur la confiance, il faut aussi que le législateur se montre conciliant : "Notre loi sur le travail date encore de l'ère industrielle et devrait être adaptée en conséquence pour l'ère numérique", explique Zobrist.
Source : Deloitte