Hannes gère : la neutralité climatique
Aujourd'hui, la direction de l'entreprise organise une nouvelle réunion sur un thème particulier. En tant que membre de ce comité, Hannes est un participant ...
Ces réunions ST sont nouvelles. Comme les réunions ordinaires du lundi matin ne semblaient pas suffire depuis un certain temps, on a introduit ce format supplémentaire. Parce que l'on parle trop et que la prise de parole ne dépend plus de l'importance, mais du "tout a été dit, mais pas encore par tout le monde", les thèmes sont stratégiquement externalisés. C'est ce qu'on a appelé l'externalisation des thèmes, et une étiquette aussi jolie a l'avantage de pouvoir encore mieux commercialiser l'ensemble de la construction en interne et en externe.
La neutralité climatique en fait partie
En effet, quelle direction convoque spécialement une réunion sur le thème de la pénurie de personnel qualifié, par exemple ? La presse s'en empare. La réunion de ST d'aujourd'hui porte sur la neutralité climatique.
Une fois que tous les participants à la réunion se sont installés (autrefois, on s'asseyait, aujourd'hui on cherche des rails électriques), c'est parti. L'objectif est clair : l'entreprise veut atteindre la neutralité climatique. Pourquoi le veut-on, demande Hannes. "Il faut le faire aujourd'hui, c'est bon pour le climat", répond-on, tandis qu'on pense secrètement : "C'est bon pour l'image !"
Hannes l'a compris depuis longtemps, la politique de l'entreprise contient finalement le mot politique et il est d'usage d'utiliser l'une ou l'autre astuce pour que cela paraisse bien, du moins à l'extérieur. La première partie revient donc au responsable informatique. Il présente le logiciel qui permet de calculer les émissions de CO2 de l'entreprise. Le système affiche sur des barres rouges à la mode tout ce qui ternit aujourd'hui le bilan de l'effet de serre. On est un peu perplexe. Car sur le côté droit, l'informaticien fait voler des barres bleues en animation Powerpoint - et celles-ci sont censées représenter les contre-mesures prévues par l'entreprise dans les cinq prochaines années.
Un peu résigné
"Ce n'est jamais suffisant", disent les participants à l'unanimité. "Ce n'est pas nécessaire non plus", souligne le chef. Car la compensation est le mot-clé du moment. Le chef des finances est prié d'ouvrir sa caisse et de déterminer combien de budget peut être retiré de la formation continue, par exemple, pour résoudre les certificats de compensation. La responsable des ressources humaines pense alors qu'il s'agit sans aucun doute d'une mesure de marketing et qu'il faudrait y puiser le budget.
On se retrouve donc une fois de plus là où l'on est toujours : au niveau du budget. On veut "avoir", mais personne ne veut "payer". Le compromis : on prend un peu de chaque département et on se couvre avec des certificats. Pour les kilomètres en avion, pour les kilomètres en voiture, pour le carburant. Et pour le fast food, on peut même le commander directement au fournisseur des burgers. Celui-ci fait les deux : il vend la viande de bœuf et le certificat sur le même comptoir. C'est pratique et exemplaire, d'autant plus qu'il accorde un rabais de quantité et une réduction spéciale pour une commande pour les trois prochaines années.
Seul bémol : ce n'est toujours pas suffisant. Les discussions commencent à tourner en rond. De "nous devons alors encore acheter des certificats à l'étranger" à l'impossible "nous devons peut-être tout de même regarder où nous produisons moins de CO2".
L'idée
Soudain, comme sortie de nulle part, l'idée vient du responsable des achats. "Nous achetons des forêts dans les pays limitrophes !" Il a vu qu'il y avait là-bas, grâce à l'héritage d'une famille noble, une grande quantité de mètres carrés à un prix très avantageux. Cette surface neutralise le CO2, ce qui est considéré comme une compensation selon les nouvelles normes vertes.
L'enthousiasme est grand. Car ensuite, lorsqu'il s'agit du budget, tout le monde participe vraiment. Ce thème est également une délivrance pour le service de formation, qui peut enfin proposer le coaching des arbres. On a maintenant sa propre forêt, on peut y embrasser les arbres comme s'il s'agissait de ses propres collègues ...
Auteur
Stefan Häseli est formateur en communication, keynote speaker, animateur et auteur de plusieurs livres. Il dirige une entreprise de formation en Suisse orientale.