Le Covid-19 et les personnes particulièrement vulnérables : Une classification en droit du travail

Réserve, générosité, sollicitude et sens de la mesure : voilà ce qu'exigent désormais de nombreux employeurs. Mais qu'est-ce qui est possible en droit du travail ? Où se situent les difficultés d'interprétation ? Une proposition sur la classification des "personnes particulièrement vulnérables" selon l'ordonnance 2 du COVID-19 et sur la bonne manière de les gérer dans le contexte du droit du travail.

Personnes particulièrement vulnérables autour de Covid-19 : comment situer la notion et le traitement de ces personnes par rapport au droit du travail ? (Image : Pixabay.com)

Dans l'ordonnance 2 (OO2) sur les mesures de lutte contre le coronavirus, édictée par le Conseil fédéral le 16 mars 2020 et adaptée le 20 mars 2020, les articles 10b et c en particulier sont d'une grande importance pour le droit du travail. Ils introduisent en effet une nouvelle catégorie de travailleurs, les "personnes particulièrement exposées". Les personnes appartenant à ce groupe de personnes doivent rester chez elles et éviter les rassemblements de personnes (art. 10b, al. 1, OO2).

Qui sont les "personnes particulièrement vulnérables" ?

Cette catégorie comprend les personnes âgées de 65 ans et plus et celles qui présentent notamment les pathologies suivantes :

  • Hypertension artérielle
  • Diabète
  • Maladies cardio-vasculaires
  • Maladies respiratoires chroniques
  • Maladies et thérapies qui affaiblissent le système immunitaire
  • Cancer

Le terme "notamment" indique que cette énumération n'est pas exhaustive. Les conséquences juridiques pour le groupe des personnes particulièrement vulnérables peuvent donc également s'appliquer à d'autres maladies, pour autant qu'elles soient considérées comme équivalentes aux maladies visées à l'article 10b OO2 en termes de risque d'évolution grave de la maladie Covid-19. Comme il s'agit d'une thématique médicale, cette évaluation incombe aux médecins de famille. Une tâche exigeante si l'on considère les conséquences esquissées ci-après.

Obligations adaptées des employeurs

Les obligations des employeurs ont été adaptées après quelques jours seulement dans la nouvelle formulation de l'art. 10c, al. 2 et 3, OO2. En modifiant le texte initial de l'ordonnance, qui ne prévoyait que les possibilités "home office" ou "dispense avec maintien du salaire" pour les personnes particulièrement exposées, la protection des travailleurs a été quelque peu assouplie avec l'introduction d'une troisième variante, tout en concrétisant le devoir d'assistance de l'employeur.

La nouvelle version de l'art. 10c OO2 prévoit la réglementation suivante :

  • L'employeur permet aux travailleurs particulièrement vulnérables d'accomplir leurs obligations professionnelles à domicile. Pour ce faire, il prend les mesures techniques et organisationnelles appropriées (art. 10c, al. 1, OO2). Le principe du "home office first" est ainsi maintenu, c'est-à-dire que les personnes particulièrement exposées doivent, dans la mesure du possible, travailler depuis leur domicile.
  • L'art. 10c al. 2 du règlement a été reformulé le 20.03.2020 en modification de la réglementation initiale. Un nouveau critère a été introduit pour les activités de travail qui, en raison de leur nature ou faute de mesures réalisables, ne peuvent être exercées que sur le lieu de travail habituel (p. ex. commerce de détail, nettoyage, soins). Dans ces cas, l'employeur est tenu "d'assurer, par des mesures organisationnelles et techniques appropriées, le respect des recommandations de la Confédération en matière d'hygiène et de distance sociale" (art. 10c, al. 2, OO2).
    Voici un extrait des explications de la Confédération (état : 24.03.2020) : "Dans le commerce de détail, par exemple, des vitres en plexiglas peuvent être installées pour protéger le personnel de caisse ; des produits désinfectants doivent également être mis à la disposition des collaborateurs lorsque cela est approprié. Il est également possible d'attribuer aux personnes particulièrement exposées d'autres domaines ou secteurs de travail acceptables, par exemple des travaux dans le domaine du back-office".
    En d'autres termes, si l'employeur peut garantir le respect de ces mesures, rien ne s'oppose en principe à la poursuite de l'activité sur le lieu de travail habituel. Mais là encore - comme le précisent les explications de la Confédération - les employeurs et les employés sont appelés à faire preuve de souplesse pour trouver des solutions praticables et conformes à l'intérêt de la santé et de l'entreprise.
  • Si, dans un cas concret, le "home office" n'est pas possible et que les mesures de protection exigées par l'art. 10c, al. 2, OO2 ne peuvent pas non plus être mises en œuvre, les travailleurs particulièrement exposés sont mis en congé par l'employeur avec maintien du salaire (art. 10c, al. 3, OO2).

Qu'est-ce que cela signifie dans la pratique ?

L'art. 10c al. 3 de l'ordonnance 2 crée une nouvelle exception à la règle de base "pas de travail, pas de salaire", en complément des art. 324 et 324a CO. Dans les discussions prévisibles sur la question de savoir si le home office est possible ou non, tant les employés que les employeurs sont appelés à se prononcer. Nous estimons que le travail à domicile devrait toujours être possible, en fonction des possibilités techniques existantes, si le travail n'est pas lié à un lieu précis ou s'il ne peut être effectué qu'avec des équipements spéciaux qui ne sont pas disponibles à domicile. Les travailleurs sont priés de faire preuve de discernement et de contribuer autant que possible à ce que l'entreprise de l'employeur puisse continuer à fonctionner sans restriction. Car :

Pendant la durée de validité de la VO2, l'employeur doit continuer à verser un salaire illimité dans le temps 100%, sans recevoir de prestation de travail. Cette obligation peut rapidement menacer l'existence des petites entreprises en particulier, qui manquent actuellement de recettes dans de nombreux cas.

En raison de la formulation "en congé", on pourrait penser que la personne concernée doit prendre son crédit de vacances (existant). Cette interprétation ne devrait pas être dans l'esprit de l'auteur de l'ordonnance, qui a été peu précis sur le plan rédactionnel. Plutôt que de parler de "congé", il serait préférable de parler de "dispense". Néanmoins, en raison de la situation exceptionnelle actuelle, la doctrine part du principe qu'un ordre de prise de vacances à court terme doit également être autorisé.

En complément, il convient de préciser que l'ordonnance Covid 19 sur la perte de gain, également édictée le 20.3.2020, ne change rien à la situation juridique. Certes, l'art. 2, al. 1 de cette ordonnance prévoit un droit maximal de 10 indemnités journalières en cas d'interruption de l'activité professionnelle "pour cause de quarantaine", mais cette prestation est subsidiaire au maintien du salaire par l'employeur (art. 2, al. 4). Il n'est donc pas nécessaire d'examiner de plus près la question de savoir si le "congé" au sens de l'art. 10c, al. 3, OO2 doit être assimilé à une quarantaine.

Certificat médical

Le règlement prévoit que les personnes concernées fassent valoir leur dangerosité par une "déclaration personnelle". L'employeur l'acceptera généralement s'il est de toute façon déjà au courant de l'état de santé de la personne concernée. C'est d'ailleurs plus souvent le cas qu'on ne le croit. Mais que se passe-t-il si l'employeur est surpris par l'auto-déclaration du travailleur et qu'il souhaite vérifier si quelqu'un fait effectivement partie du cercle des personnes particulièrement menacées ?

Si un travailleur fait valoir qu'il fait partie des personnes particulièrement exposées, l'employeur a la possibilité, prévue à l'art. 10c, al. 4, OO2, d'exiger un "certificat médical". On peut supposer que les employeurs feront largement usage de cette possibilité. Sur le plan du contenu, seule l'information selon laquelle une personne est considérée ou non comme une "personne particulièrement vulnérable" au sens de l'art. 10b, al. 2 OO2 est autorisée. En raison de la protection de la personnalité, il n'existe aucun droit à des informations plus détaillées sur l'état de santé du travailleur ou à des indications plus précises sur la maladie.

Certificat médical vs. certificat d'incapacité de travail

Le terme "certificat médical" est à nos yeux quelque peu malheureux, car il est normalement associé à un certificat d'incapacité de travail. Or, le certificat médical prévu à l'art. 10c, al. 4, OO2 n'est pas un certificat d'incapacité de travail, mais seulement une confirmation de l'appartenance au cercle des "personnes particulièrement menacées". Il s'agit donc uniquement d'une dispense de travail en dehors du home office et non d'une incapacité de travail médicalement justifiée.

Les premiers retours d'information ont montré que les médecins ne tiennent pas encore toujours compte de cette distinction et confirment (en plus) une incapacité de travail dans le certificat médical, probablement sans qu'il y en ait une. La question à examiner ici serait, à notre avis, la suivante :

"Le patient (particulièrement vulnérable) serait-il capable de travailler dans son activité habituelle s'il n'y avait pas eu de pandémie de coronavirus ?" Si oui, il y a un "certificat médical" selon lequel il fait partie des personnes particulièrement exposées. Si non, un certificat d'incapacité de travail est délivré.

Maintien du salaire vs. prestations d'indemnités journalières de maladie

Les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie définissent régulièrement l'incapacité de travail, sur la base de l'art. 6 LPGA, comme "l'incapacité totale ou partielle d'accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité actuel tout travail pouvant raisonnablement être exigé de lui, en raison d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique". Cette définition ne coïncide manifestement pas avec les motifs qui conduisent à une dispense de travail en raison d'une situation de risque particulière. C'est pourquoi, en principe, il convient d'être prudent : les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie ne doivent pas, à notre avis, prendre en charge le paiement du salaire en raison de la dispense de travail selon l'art. 10c, al. 3 OO2. Les employeurs devraient garder cela à l'esprit pour planifier leurs liquidités, tandis que les employés devraient également tout mettre en œuvre, dans la mesure de leurs possibilités, pour contribuer à réduire les dommages.

La tentation est donc relativement grande de vouloir contourner ces risques avec un certificat d'incapacité de travail ordinaire (alias un arrêt maladie). Il convient toutefois de garder à l'esprit les deux points suivants :

  • Tout d'abord, cela revient à "mettre en arrêt maladie" des personnes qui, d'un point de vue médical, ne sont pas du tout en incapacité de travail. Le risque que "des personnes particulièrement vulnérables restent en incapacité de travail (en arrêt de travail) même après la fin de la pandémie ne doit pas être sous-estimé. Après tout, toutes ces personnes souffrent d'une maladie, et tant que leur état de santé ne s'améliore pas, retrouver leur capacité de travail n'est pas une sinécure. Cette évolution n'est souhaitable ni pour l'employé, ni pour l'employeur, ni pour l'économie dans son ensemble.
  • En outre, les assureurs d'indemnités journalières de maladie devront faire face à un nombre considérable de cas qui, du point de vue du droit des assurances, sont "injustifiés", car il n'y a pas d'incapacité de travail proprement dite. Au vu de la vague de dommages qui s'abattra probablement sur les assureurs d'indemnités journalières en cas de maladie, il faut s'attendre à ce que de telles "incapacités de travail" soient soumises à un examen plus approfondi et que l'obligation de prestation soit refusée. Les coûts de la poursuite du versement du salaire retomberont alors sur les employeurs, qui n'avaient peut-être pas prévu cette situation.

Conclusion : bien classer les personnes particulièrement vulnérables

Il convient de faire preuve de retenue, de générosité, de sollicitude et de discernement lorsqu'il s'agit de personnes particulièrement vulnérables :

  • Réticence des travailleurs à faire leurs auto-déclarations. Ne profitez pas de la situation. Les déclarations de risques non autorisées représentent un risque inestimable pour les employeurs. Aidez là où vous le pouvez. Les intérêts individuels devraient - sauf dans les cas de danger particulier définis dans l'ordonnance - céder le pas aux intérêts généraux du maintien de notre système économique.
  • Généreux dans l'évaluation de la possibilité de travailler à domicile. Les employés sont prêts à assumer des tâches qui ne font normalement pas partie de leurs fonctions, mais qu'ils peuvent effectuer depuis leur bureau à domicile. Et ce, indépendamment des dispositions du contrat de travail.
  • Prendre soin et apporter un soin particulier à l'examen et à la mise en œuvre des mesures organisationnelles et techniques afin de garantir le respect des recommandations fédérales en matière d'hygiène et de distance sociale. Les "personnes particulièrement vulnérables" doivent être protégées contre les infections afin d'éviter des cas de maladie potentiellement graves et des pénuries de soins de santé. En cas de doute, nous pensons que la dispense de travail doit être choisie.
  • Les médecins doivent faire preuve de discernement en matière de certificats médicaux et de certificats d'incapacité de travail. Premièrement, les médecins doivent être conscients de cette distinction fondamentale et des différentes conséquences juridiques. Les certificats de maladie en raison du risque particulier selon l'art. 10b, al. 2 V2, bien qu'il n'y ait pas d'incapacité de travail, peuvent en outre avoir pour conséquence que l'employeur et l'employé se sentent faussement en sécurité et partent du principe que l'assurance couvre le droit au maintien du salaire. Si un tel droit est ensuite refusé et que l'ensemble de la durée - non limitée dans le temps ou limitée à la période de la situation extraordinaire en raison de l'art. 10c al. 3 OO2 - retombe sur l'employeur, cela peut conduire une entreprise à la ruine financière.

Auteurs :
RA Astrid Lienhart est avocate spécialisée FSA en droit du travail et, en plus de son travail de Cabinet Force de loi à Zurich en tant qu'auteur et conférencière. Me Kurt Mettler est directeur de SIZ AGqui est spécialisée dans le care management. Tous deux entretiennent depuis des années des échanges intensifs sur les questions difficiles liées au maintien du salaire en cas de maladie.

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